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Janvier 2019

Le début de cette année nous oblige à une réflexion sur notre positionnement personnel face aux questions posées par les « gilets jaunes », face aussi à la violence, aux destructions, aux blocages. Ce blog n’ayant pas pour vocation d’exprimer mes positions politiques, je me contenterai d’affirmer l’espoir que le dialogue l’emporte sur la violence et la démocratie sur les factions. Ces événements auront eu l’avantage d’engager le débat. Plus que jamais, il me semble important de nous relier aux autres, de parler et d’agir de façon désintéressée, tolérante et si possible généreuse. L’amour, l’amitié, la beauté, la gentillesse, la culture sont plus que jamais nécessaires. Cela vous paraît niais ? Pour moi, c’est essentiel. Regarder un bébé se tenir debout pour la première fois, empiler des cubes, grignoter un bout de pain, agiter sa menotte pour dire au revoir…et on revient, me semble-t-il, aux fondamentaux d’une civilisation, l’apprentissage, le lien avec l’autre, le désir de progrès.

Parmi bien d’autres, deux événements personnels ont marqué pour moi ce mois de janvier : la ville où j’habite, L’Etang-la-Ville, m’a remis sa médaille d’honneur. Outre le fait que je n’ai jamais demandé ni reçu la moindre décoration (ni « Palmes académiques » , ni médaille « des Arts et Lettres » ni « Légion d’honneur »), cette distinction purement locale m’a fait particulièrement plaisir. D’une part, elle m’a été remise par le maire pour mon engagement auprès de la bibliothèque à laquelle je donne beaucoup de livres, d’autre part elle m’enracine dans cette ville où je vis depuis bientôt 30 ans. On comprendra que pour des raisons familiales, comme je le raconte dans La biographe et dans Porte de Champerret, c’est important pour moi.

L’autre épisode est à première vue banal : le romancier Christophe Bigot m’a demandé de venir dans le lycée où il enseigne en hypokhâgne parler de  mes livres sur Marcel Proust. Il se trouve que ce lycée est Janson de Sailly où j’ai moi-même suivi les cours de khâgne…en 1968 ! Il m’a semblé être devenue une sorte de monument historique dans ce voyage au pays du temps retrouvé. Ma première pensée a été pour mon professeur de lettres, Jacques Netzer, un homme bienveillant, d’une grande finesse, qui m’a fait découvrir l’analyse littéraire dans toute sa subtilité. J’aimais tant ses cours que je suis revenue l’année suivante  en candidate libre.  Jacques Netzer a enseigné ensuite au lycée Louis le Grand et a fini sa carrière comme Inspecteur Général.

Le lycée Janson de Sailly n’a pas changé ; les locaux se sont seulement lentement dégradés sous l’effet du temps et du manque de crédits.  Mais les élèves !  Avions-nous l’air aussi jeunes ? Etions-nous aussi intelligents ? Les questions qui m’ont été posées sur le genre biographique, sur le lien entre moi social et moi profond, sur l’écriture de la biographie et la biographie de l’écriture m’ont épatée et passionnée. Ces étudiants viennent de toute la France et parfois de l’étranger. Ils ne sont ni arrogants ni agressifs. Si attentifs, si charmants, si visiblement intéressés grâce à leurs professeurs, si pertinents, que j’ai retrouvé l’optimisme que j’avais un peu perdu ces dernières semaines. Je sais bien qu’ils ne sont pas représentatifs de l’ensemble de leur classe d’âge. Pas plus que nous l’étions, mes camarades et moi quand nous débattions dans les « comités de lutte » en mai 68. Mais ils sont l’un des visages de notre jeunesse, et je les salue amicalement.