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Festivaletteratura di Mantova

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A Mantova, j’ai découvert qu’un Festival du livre peut être une vraie fête.

En France, tout salon du livre  suppose de rester assis derrière une table sur laquelle  se trouvent, plus ou moins bien disposées, des piles de livres. Un exercice qui s’inspire moins des « salons » que des marchés (« elle est pas fraîche, ma salade ? »), le producteur vendant directement sa récolte.  Collés les uns aux autres, les auteurs sympathisent souvent, s’ignorent parfois, et plus rarement, se disputent sournoisement la clientèle. Les plus chanceux, dont je suis, participent à une rencontre ou un débat puis retournent vite s’asseoir pour signer.

A Mantoue pas de signature, ou seulement à la fin de la conférence, mais une grande librairie où les lecteurs peuvent se procurer les livres. Et des centaines, je n’exagère pas, des centaines de rencontres, de débats, d’entretiens, de conférences, de concerts dans toute la ville. Un public qui vient par  milliers, qui déambule dans les rues, s’agglutine dans les espaces réservés aux rencontres – payantes pour certaines, gratuites pour d’autres.

Alors, voici par exemple, ma journée du samedi  10 septembre :

Arrivée de Palerme, je suis accueillie à l’aéroport de Vérone par un chauffeur accompagné de Beatrice, une jeune femme qui parle un français parfait. Elle a passé 3 ans à la Sorbonne pour étudier…l’anglais. Je relègue aux oubliettes mon italien d’Assimil et m’extasie sur la jaguar qui nous conduit à  Mantoue. Le chauffeur douche mon enthousiasme :  » e una machina normale. » Il préfère la Fiat 500. Soit.

A l’hôtel (en dehors de la ville, dans une sorte de zone moderne et impersonnelle, mais à côté d’un sexshop ) je fais la connaissance d’ Agnese Radaelli, l’adorable et efficace attachée de presse de Add Editore, mon éditeur  italien. Nous avons échangé de nombreux mails mais nous ne nous étions jamais rencontrées. Le lendemain,   je découvre avec stupéfaction le public innombrable qui arrive à Mantoue, par petites groupes, en famille, entre amis, en couples. Tous ces gens pour les livres ? Emotion. La réputation du festival n’est pas usurpée.  Cette 20e édition s’avère un succès. Nous commençons à l’italienne, par un café sur une terrasse de la place principale, face au Palais Ducal.

– Première interview par deux jeunes femmes de Rome, Silvia et Maria, pour un journal de Teramo, dans les Abruzzes.  Elles ont soigneusement préparé leurs questions, et finissent par l’incontournable : « Et vous, quel est votre jardin idéal ? Je réponds, histoire de varier : « les jardins botaniques ». Ce n’est pas faux, à la réflexion. Nous sommes dans un jardin public, à l’ombre du palais. Photos, avec et sans lunettes de soleil.

– Puis, photos avec un Basso Cannarsa qui a la bonne idée de m’emmener…dans le même jardin. Il a l’air un peu perplexe devant ma raideur . Ou bien ? Entre temps, l’éditrice d’Add editore, Sandra Piana, nous a rejoints. C’est à elle que je dois ces Giardini di carta. Merci Sandra !

Ensuite, rencontre à midi autour des légumes – ces satanées légumes que j’adore mais qui font de moi la reine des courgettes.  La salle est déjà archi comble mais comme les chaises ne sont pas arrivées, le public est assis par terre. Je vois avec soulagement que j’aurai droit à un joli fauteuil. A mes côtés Clark, un anglais qui s’est installé dans la région pour cultiver des légumes anciens et recevoir des écrivains, et un libraire qui servira d’interprète. Les chaises arrivent, joyeux désordre pour les installer, le public déborde de tous les côtés. C’est la fête ! Clark est un merveilleux communicant, et comme il a apporté des légumes et des graines, nous nous repassons la balle avec facilité, lui dans son italien au léger accent anglais, moi en français mâtiné de quelques mots d’italien. Il est question de tomates et de brocolis. A la fin, après les applaudissements, les femmes se ruent sur…les aubergines et les graines de haricots rouges qu’a préparées Clark. C’est gratuit. Vive les potagers !

Deuxième interview…dans le jardin public (ah quelle idée originale ) pour la Rai avec Cristina Sanna Passino dont les questions me laissent un peu perplexe – notamment la dernière à propos des légumes qui pourraient améliorer le sentiment européen… Je ne suis pas sûre d’avoir bien compris. Agnese, toujours à mes côtés, confirme. Va pour l’Europe des choux de Bruxelles et d’ailleurs !

– Après un déjeuner rapide, nouvelle interview, cette fois dans l’imposante salle de presse, avec Alessandra Pigliaru de Il Manifesto. Je dois faire des progrès au fil de la journée car je comprends à peu près toutes les questions. Elle a lu le livre à fond, et ses questions sont intéressantes. Au bout d’une heure, j’en sors épuisée mais très contente.

– Il est temps de faire des photos avec Giliola Chistè. Miracle, je ne poserai pas dans le jardin mais près d’une église puis (tout de même) chez une fleuriste, une branche de physalis à la main. Si Maman si, ah si tu voyais ma vie…Nous convenons de nous retrouver un jour à Rome dans les jardins de la Villa Médicis.

Pause glace. On est en Italie, tout de même. Le public envahit tous les espaces libres. C’est la folie.

Bientôt 5h. Il est temps de rejoindre la Cour d’honneur du Palais Ducal. En claudiquant sur les pavés, superbes mais peu propices aux talons (l’impression de marcher sur une plage de galets), je découvre avec stupéfaction une immense file.  Mon entretien avec la journaliste et écrivain Stefania Bertola est complet depuis trois jours. Stefania écrit des romans mais elle est aussi une passionnée de nature. Elle  a raconté dans son dernier livre une année dans son jardin. Ses questions porteront surtout, cependant, sur les auteurs dont je parle dans mon livre. Nous avons sympathisé tout de suite et l’entretien, traduit par une interprète,  est fluide. Mais le public est si sérieux que je crains qu’il ne s’ennuie. Proust, Duras, Sartre et Beauvoir, Bobin…Les nombreuses dédicaces me prouveront le contraire.

La journée se finit. C’est l’heure de la passeggiata, à la terrasse d’un café, avant de goûter les spécialités de Mantoue : la célèbre moutarde à base de fruits (sucrée et piquante) servie en entrée avec le parmesan, et les raviolis à la zucca – à la citrouille (sucrés et salés) accompagnés d’un lambrusco un peu pétillant. Le non moins célèbre gâteau broyé aux amandes, ce sera pour demain. Les fêtes du livre, c’est cela aussi !

http://www.festivaletteratura.it/